On traque éperdument le sel dans nos assiettes pour limiter l’excès de sel. Mais nous ne pensons pas assez à celui qui se cache dans nos médicaments. Certains médicaments contiennent effectivement une quantité considérable de sodium, comme le montre l’étude qui a lancé l’alerte en 2006 sur ces médicaments « à haute teneur en sodium ». La situation a-t-elle évoluée depuis ? Quels médicaments sont concernés ? Enquête de votre diététicienne préférée.
Les médicaments : une source cachée de sel ?
Une étude lance l’alerte en 2006
Le sel est largement utilisé dans l’industrie agroalimentaire pour ses nombreuses propriétés : en tant qu’exhausteur de goût ou encore en tant que conservateur. Son usage est également courant dans l’industrie pharmaceutique, comme en témoigne l’émergence de médicaments dont les teneurs en sel sont significativement élevés.
Carine Gransard, pharmacienne au centre hospitalier de Béthune et auteure de l’étude qui a lancé l’alerte sur le sujet en 2006, a recensé dans ses travaux exactement 87 médicaments dits « à haute teneur en sodium » (1). La plupart est d’usage courant et est accessible au grand public sans ordonnance, ce qui attise encore plus l’inquiétude.
Pas d’améliorations depuis…
La Pharmacie des HUG a récemment mis à jour cette liste. Même constat : un grand nombre des médicaments identifiés en 2006 sont toujours référencés comme ayant une haute teneur en sodium (2).
Quels médicaments cachent des teneurs élevées en sodium ?
Selon l’étude, les principaux médicaments contenant du sel ajouté en quantités élevées sont les suivants :
- Les comprimés effervescents ou à croquer : anti-douleurs (paracétamol, aspirine), compléments vitaminés (Calcium D3 Sandoz, Magnesium Diasporal ou Magnesiocard…), etc. ;
- Les poudres orales, tels que les laxatifs (movicol, transipeg…) ;
- Les granulés type anti-inflammatoires (ibuprofène) :
- ou encore les antibiotiques sous forme injectable (amoxicilline, pénicilline G..).
Inquiétude autour des comprimés effervescents
L’inquiétude est à son comble concernant les médicaments comme le paracétamol, l’aspirine ou encore l’ibuprofène vendus sous forme de comprimés effervescents. Ces derniers sont largement utilisés au sein de la société française et accessibles librement en pharmacies.
Les laboratoires pharmaceutiques utilisent le sodium dans ses médicaments pour produire des bulles de gaz carbonique (même principe que les eaux gazeuses) grâce auquel le médicament peut fondre ou de dissoudre au contact de l’eau.
Quelques exemples de teneurs en sel de médicaments
Les chercheurs alertent sur ses teneurs en sel. Ainsi, à titre d’exemple, un comprimé de paracétamol 500 effervescent renferme 427,8 mg de sodium, soit un peu plus qu’un gramme de sel de table (400 mg de sodium).
- Paracétamol : Dafalgan effervescent (1 comprimé de 1 g) = 565 mg de sodium, soit 1,4 g de sel dans un sel comprimé.
- Paracétamol : Panadol effervescent (1 comprimé de 500 mg) = 427 mg de sodium, soit 1,07 g de sel.
- Ibuprofène : Spedifen 600 (1 sachet oral de 600 mg) = 82 mg de sodium soit 0,21 g de sel.
- Aspirine (1 comprimé à croquer de 500 mg) = 49 mg de sodium soit 0,12 g de sel.
Rappelons que, souvent, ces médicaments sont consommés en plusieurs comprimés voire sur plusieurs jours… ce qui rend ces quantités non négligeables.
Un risque d’AVC plus élevé pour les preneurs réguliers de comprimés effervescents
Le risque à long terme a été confirmé par une étude menée par les chercheurs de l’University of Dundee et de l’University College of London (3).
L’étude montre que la consommation quotidienne de médicaments effervescents – connus pour être à haute teneur en sodium – augmenterait le risque d’accidents cardio-vasculaires comparés aux patients prenant le même médicament mais en version non effervescente (et donc moins riche en sodium).
Veiller aux étiquettes des médicaments : la solution ?
La situation est d’autant plus problématique que les teneurs en sel ne sont pas toujours déclarées par les fabricants sur les emballages. L’absence de mention est particulièrement grave pour les personnes souffrant d’hypertension artérielle, d’insuffisance cardiaque et/ou rénale qui doivent minutieusement suivre leur consommation de sel et qui peuvent ainsi s’exposer à des doses de sodium qui pourraient mettre en danger leur santé.
Espérons que les industriels seront de plus en plus coopératifs en indiquant les teneurs en sodium sur les emballages à destination des personnes à risques. Espérons également que l’interdiction de la vente en libre-service du paracétamol, de l’aspirine et de l’ibuprofène (mesure normalement prévue pour janvier 2020) permettra de limiter les risques liés à un mauvais usage de ces produits vendus sans ordonnance.
Le petit mot de la diététicienne
Doit-on s’inquiéter si on prend ces médicaments ?
Bien qu’il n’y ait pas de danger si l’on prend un comprimé une fois de temps en temps, le problème de l’excès de sel par les médicaments se pose lorsque la consommation se fait sur la durée et/ou lorsqu’elle concerne des personnes souffrant d’hypertension artérielle, d’insuffisance cardiaque et/ou rénale. Les personnes ayant un terrain qui favoriserait l’apparition de ces maladies devraient également veillent à ses apports de manière préventive.
Mes conseils pour les patients à risque
Si c’est votre cas, soyez vigilant sur la prise de médicaments, en particulier ceux accessibles sans ordonnance qui incitent à une prise non rigoureuse. Vérifiez toujours la notice d’utilisation (sur laquelle figure la liste des ingrédients) et gardez en tête que les teneurs en sodium ne sont malheureusement pas systématiquement affichées ! En cas de doute, votre pharmacien pourra vous renseigner.
Si vous suivez un traitement sur le long terme, il est important que le sodium de ces médicaments soit comptabilisé dans vos apports journaliers en sel. Si la prise de ces médicaments entraîne effectivement des apports en sel excessivement élevés, n’hésitez pas à consulter votre médecin traitant pour discuter des éventuelles alternatives – lorsque cela est possible.
Où consulter la liste des médicaments à « haute teneur en sodium » ?
Et pour consulter la liste des teneurs en sodium des médicaments suspectés de contenir des teneurs élevés en sodium, rendez-vous ici.
Sources :
(1) « Médicaments à haute teneur en sodium : diminution d’un risque iatrogène sous-estimé », Gransard C et al, Poster SFPC Bordeaux, 2006.
(2) « Médicaments contenant du sodium », site web de la Pharmacie des HUG, www.pharmacie.hug-ge.ch, publié le 16/07/2018.
(3) « Association between cardiovascular events and sodium-containing effervescent, dispersible, and soluble drugs: nested case-control study », étude publiée dans le BMJ en novembre 2013.