L’IMC ou Indice de Masse Corporelle est un des principaux outils utilisés par les professionnels de la santé et de la nutrition. Si l’IMC est un outil intéressant pour évaluer sa santé, son utilisation est à discuter pour évaluer le poids d’une personne. Découvrez en détail mon avis de diététicienne.
Pourquoi faut-il prendre du recul par rapport aux résultats de l’IMC ?
Un indice créé pour évaluer les risques santé (et non le poids !)
L’Indice de Masse Corporelle possède plusieurs limites qui le rendent non pertinent dans l’évaluation du poids. Mais avant de s’attarder sur les points limitants de l’IMC, rappelons son histoire et la raison de sa création.
L’IMC, aussi appelé « Indice de Quetelet » a été inventé par un statisticien précurseur des études démographiques, Adolphe Quetelet (1796-1874). L’outil est devenu un système de mesure internationale de l’obésité lorsqu’il a été repris par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et adapté par l’organisation.
En effet, en 1997, l’OMS a repris l’Indice Quetelet pour l’utiliser comme « standard » pour évaluer les risques liés au surpoids chez l’adulte. L’organisation s’est ainsi basée sur des études analysant la correlation entre l’IMC et le taux de mortalité pour redéfinir les intervalles standards initialement définie par son prédécesseur Adolphe Quetelet : à savoir maigreur, indice normal, surpoids, obésité.
Vous l’avez donc compris : l’Indice de Masse Corporelle a été créé pour évaluer des risques santé à partir de deux données (taille et poids). Seul problème : l’indicateur est aujourd’hui largement utilisé comme critère d’appréciation et de suivi du poids.
Interrogeons-nous sur la pertinence de cette utilisation :
Les 6 limites de l’IMC comme critère d’appréciation du poids
#1 Femme ou homme : premier critère non considéré
L’IMC, comme nous l’avons vu, se base uniquement sur deux critères : le poids et la taille. Le sexe, pourtant indispensable, est oublié alors que ce dernier peut avoir un impact important sur le poids et la composition corporelle. Exemple : les femmes ont naturellement plus de réserves graisseuses que les hommes.
#2 Un indice qui ne prend pas en compte la constitution corporelle (masse maigre, masse osseuse, masse grasse)
L’IMC ne prend pas en compte la répartition de la constitution corporelle, à savoir la répartition masse musculaire, masse grasse et masse osseuse – ce qui est aussi bien inadapté pour apprécier la santé que le poids.
Côté santé, une personne peut avoir un IMC normal mais un surplus de graisses mal situé (exemple : au niveau abdominal) l’exposant à un risque de diabète ou de maladies cardio-vasculaires.
Côté poids, l’utilisation de l’indice est erroné notamment chez les les personnes ayant une musculature trop développée (sportifs de haut niveau, culturistes, etc) qui sont classés en surpoids malgré une silhouette mince (le muscle pesant plus lourd que les graisses) et malgré que leur forme physique soit souvent meilleure que la moyenne des individus.
#3 Un indice inadapté pour certaines populations
L’indice de masse corporelle ne peut également pas être utilisé chez les enfants, les adolescents (seules les courbes de poids sont pertinentes dans ces cas là) ou encore chez les femmes enceintes dont les variations de poids sont physiologiques, et non prises en comptes par l’IMC.
#4 Les différences ethniques oubliées
L’IMC est un indice international qui ne prend pas en compte l’origine ethnique des individus, qui a un impact conséquent sur la morphologie de chacun d’entre nous.
Prenons comme exemple aux personnes d’origine asiatique qui sont généralement de constitution très maigre. L’IMC leur attribue un état de maigreur non pertinent.
#5 …tout comme les différences individuelles
L’Indice de Masse Corporelle ne prend pas en compte les différences de constitution uniques de chacun. Rappelons que chacun est différent et chacun a son poids de forme qui lui est propre ! Mettre en place un indice standardisé tel que l’IMC participe au développement de standards de poids qui ne reflètent pas les différences culturelles en matières de morphologie.
#6 Un indice anxiogène
Parlons enfin du point que je juge le plus problématique dans l’utilisation de l’IMC : l’impact anxiogène de l’utilisation de cet indice comme indicateur de suivi du poids. Il faut dire que l’IMC est utilisé largement dans le domaine de la perte de poids comme un indicateur permettant d’évaluer le poids (et non la santé) d’une personne. « Donner » l’IMC aux patients ne fait que focaliser le patient sur des chiffres subjectifs, perçus comme anxiogènes.
L’utilisation d’un indicateur subjectif comme l’IMC, qui ne prend en compte ni les différences individuelles et ethniques de morphologies, contribue au développement de standards de beauté erronés. Cela entretient un rapport normé au corps qui favorise le mal-être voire l’apparition de troubles du comportement alimentaire chez certaines populations.
Mon avis de diététicienne
L’Indice de Masse Corporelle (IMC) est un indice permettant d’évaluer les risques en matière de santé, et non de poids. Son utilisation comme indicateur dans le cadre de régime présente des limites et contribue à focaliser les individus sur le poids, source de mal-être chez les personnes présentant une situation de surpoids. Selon moi, l’utilisation de l’outil IMC devrait être réservé aux professionnels de la santé uniquement.
Il ne devrait être aucunement communiqué aux patients, par exemple sur le dossier de soin remis au patient. Rappelons que le poids est une notion relative qui devrait dépendre du ressenti de chacun et de sa situation propre (âge, sexe, morphologie, origine ethnique). Ainsi, j’invite mes consoeurs et confrères diététiciennes à utiliser cet indicateur avec prudence (voire de ne pas le communiquer aux patients) et à se reconnecter davantage à la perception du poids de nos patients, et non au poids lui-même ou aux résultats l’IMC.
N’hésitez pas à partager en commentaires vos réflexions sur le sujet.
Longue vie, bienveillante, à tous !