La consommation de soja soulève de nombreuses controverses. Alors que certains professionnels de la santé lui attribuent d’intéressants atouts santé et recommandent sa consommation, d’autres pointent ses inconvénients et vont jusqu’à proscrire tous les produits qui en contiennent. Mais qu’en est-il vraiment ? Le soja est-il bon ou mauvais pour la santé ? Peut-on en consommer sans risque ? Votre diététicienne préférée fait le point sur les bienfaits du soja et répond à toutes vos questions sur le sujet.
Le soja : bon ou mauvais pour la santé ?
A la découverte du soja
Le soja (appelée aussi soja jaune ou soja hispida) est une légumineuse originaire d’Asie et qui se présente comme un petit haricot de couleur jaune pâle. Elle est issue d’une plante grimpante présentant des fleurs rouges, blanches et mauves à la floraison, qui ressemble à ça :
Le soja jaune n’est pas à confondre avec le soja vert (vigna radiata ou haricot mungo). Ses propriétés nutritionnelles sont très différentes tout comme sa consommation (sous forme germée uniquement).
Les différentes formes de soja jaune
En France, on consomme rarement le soja sous sa forme principale : la fève de soja sèche. Cette dernière nécessite un temps de trempage de 12 heures puis 2 à 3 heures de cuisson.
Le soja est davantage présent dans notre alimentation sous des formes dérivées : tofu, sauce soja (salée ou sucrée), edamame, boisson végétale, alternatives aux produits laitiers, farine de soja ou encore huile de soja.
Les atouts nutritionnels du soja
#1 Une teneur exceptionnelle en protéines
L’atout majeur du soja est sa richesse en protéines végétales. La fève de soja jaune sèche compte en effet 34,5 g de protéines par 100 grammes [1], ce qui en fait de très loin le légume sec le plus riche en protéines.
A titre de comparaison, les lentilles sèches apportent « seulement » 25 à 28 grammes de protéines, la fève en contient 26,1 g/100 grammes alors que l’haricot rouge en contient 22,5 g/100 g.
Les aliments dérivés du soja affichent des teneurs variées en protéines. On observe que plus le soja est transformé, plus la teneur en protéines aura tendance à diminuer. Comptez ainsi entre 10 et 17 g de protéines par 100 g pour tofu, environ 3 à 4 g de protéines par 100 ml de boisson végétale au soja, etc.
#2 Une source complète d’acides aminés essentiels
Le soja est l’une des rares sources de protéines végétales contenant tous les acides aminés essentiels [2]. Sa teneur en acides aminés essentiels est d’ailleurs considérée comme adéquate par rapport « aux exigences recommandées par l’OMS et la FAO » [3].
L’indice de digestibilité des acides aminés indispensables (DIAAS), qui permet de déterminer la qualité d’une protéine, est de 0,9 pour le soja, contre 1 pour le lait, la viande ou encore les oeufs (voir tableau ci-dessous [4]), ce qui en fait une source de protéines végétale de haute qualité et une très bonne alternative aux protéines animales.
Les acides aminés limitant du soja restent la méthionine et la cystéine (au même titre que le lait et les autres légumes secs).
#3 Une richesse en lysine
Le soja est une protéine végétale particulièrement riche en lysine, de ce fait elle représente un excellent accompagnement aux céréales (déficientes en lysine) pour les personnes végétariennes ou véganes [3].
#4 Des graisses principalement insaturées
Les fèves de soja jaune contiennent également des lipides (graisses), à hauteur de 19,2% en moyenne [1]. Elles sont majoritairement composées de graisses insaturées, considérées meilleures pour la santé cardiovasculaire que les graisses saturées.
#4 Une source de lécithine, prisée par les industriels
Parmi les graisses contenues dans le soja figure la lécithine, une graisse naturellement présente dans le soja et utilisée comme agent émulsifiant ou stabilisant par l’industrie alimentaire (la fameuse lécithine de soja ou E322). Elle est obtenue en pressant les fèves de soja et en récupérant l’huile qui en sort alors. Elle permet aux graisses et à l’eau de ne pas se séparer. Vous avez sûrement dû constater sa présence dans des produits comme le chocolat, la mayonnaise et bien d’autres, car c’est un des 10 additifs les plus utilisés selon le site Consoglobe.com.
La lécithine de soja est également prisée sous forme de complément alimentaire du fait de ses bienfaits. Cette dernière favorise le développement du système nerveux au cours de la croissance, mais elle est surtout connue pour favoriser l’élimination du cholestérol par le foie et pour empêcher aux graisses de se déposer sur les parois des vaisseaux, prévenant ainsi l’hypercholestérolémie.
L’emploi de la lécithine de soja ne semble pas présenter de risque, sauf pour les personnes allergiques au soja ou à d’autres allergènes car le risque d’allergie croisée est possible.
#5 Une teneur intéressante d’oméga 3
Les graisses présentes dans le soja fournissent également un précieux apport en deux acides gras essentiels que notre organisme ne sait synthétiser : des oméga 6, mais surtout des oméga 3 dont nous avons tendance à manquer.
#6 Une teneur en fibres intéressante
Le soja apporte aussi une quantité intéressante de fibres (13 g/100 grammes) [1]. Ces dernières régulent le transit intestinal, développent la sensation de satiété et freinent l’absorption des sucres et des graisses.
#7 Des minéraux et des vitamines
Les fèves de soja affichent également une bonne concentration en vitamines et minéraux. Ils fournissent notamment du fer (15 g/100g, soit 7 fois plus que la viande), du phosphore, du potassium, du magnésium, du zinc et certaines vitamines du groupe B (B3, B9) [1].
Vous trouverez le détail de la composition du soja jaune dans le tableau ci-dessous :
Composition nutritionnelle des fèves de soja jaune
Controverses : soja et phyto-oestrogènes
Une des grandes caractéristiques du soja est sa richesse en isoflavones, des composés antioxydants de la famille des polyphénols également classés dans la famille des phyto-oestrogènes. Ces phyto-oestrogènes sont l’objet de nombreuses inquiétudes mais aussi d’incompréhensions, c’est pourquoi faisons le point :
Que sont les phyto-oestrogènes ?
Les phyto-oestrogènes, tels que les isoflavones contenus dans le soja, ne sont pas des oestrogènes (hormones) à proprement parler. Bien que leur structure est très proche de celle de de l’œstradiol et qu’ils ont la possibilité d’interagir avec les récepteurs aux œstrogènes, ils n’agissent pas de la même façon que ces derniers.
Si les phyto-oestrogènes sont capables d’agir sur certains récepteurs tout comme le font les œstrogènes, ils n’agissent pas en tant que perturbateurs, mais en tant que modulateurs. Ils ont ainsi la capacité soit d’atténuer l’action des oestrogènes au sein de l’organisme (action anti » œstrogénique), soit l’amplifier (exemple : en cas de ménopause). Il semblerait ainsi que les phyto-oestrogènes soient des composés intelligents capables de moduler leur action en fonction du climat oestrogénique propre à l’individu.
L’utilisation du terme « phyto-oestrogène » induit une certaine peur chez les consommateurs, pourtant rappelons que les phyto-oestrogènes sont également présents, en moindres quantités certes, dans le thé, les légumes (asperges, brocolis, haricots verts, pois chiches…) ou encore certains fruits (groseilles, pamplemousse…).
Phyto-oestrogènes et ménopause
Chez les femmes ménopausées, la consommation de soja et de phyto-oestrogènes atténue les symptômes liés à la ménopause, tant en fréquence qu’en intensité [5].
Rappelons que la ménopause est liée à une baisse soudaine de la sécrétion d’oestrogènes. Ce déficit hormonal favorise l’apparition de symptômes (telles que les bouffées de chaleur, les suées nocturnes, etc). Les phyto-oestrogènes présents dans le soja et ses dérivés permet de remédier à cette situation en comblant le déficit oestrogénique.
On constate néanmoins que l’action des phyto-oestrogènes sur les symptômes de la ménopause est variable d’une personne à l’autre, l’atténuation des symptômes peut être plus ou moins importante [5]
Phyto-oestrogènes et cancers hormono-dépendants
Les études menées sur le lien phyto-oestrogènes et cancers sont plus controversées. Alors que certaines études mettent en avant des effets protecteurs du soja sur les cancers hormono-dépendants (notamment au sein des populations asiatiques), d’autres études montrent au contraire une augmentation du risque chez les personnes prédisposées.
Etant donné les nombreuses différences de mode de vie entre les Asiatiques et les Occidentaux et le fait que le cancer serait une pathologie multifactorielle, il est donc impossible de transposer ces conclusions en tant que vérité absolue. Le principe de précaution reste de rigueur. En attendant de nouvelles études sur le lien entre soja et cancers hormono-dépendants, la consommation de soja est déconseillée en cas d’antécédents de cancer hormono-dépendant.
La consommation de soja présente-t-elle des risques ?
Si la consommation de soja en quantités modérées est sans risque chez les personnes en bonnes santé, elle est déconseillée aux :
- personnes ayant des antécédents personnels ou familiaux de cancers hormono-dépendants.
- nourrissons et aux jeunes enfants (en particulier chez les moins de 3 ans) ;
- femmes enceintes et femmes allaitantes.
Les personnes végétariennes ou véganes à risque de carences en protéines seront tentées de multiplier leur recours aux produits à base de soja du fait de leur grande variété et de leur praticité (sous forme de boissons, de steaks végétaux ou encore de desserts). Il est important de leur rappeler l’importance de varier les sources de protéines végétales (en optant pour les légumes secs par exemple).
Modes de production et qualité du soja
On distingue le soja produit à destination de l’alimentation humaine (30%) et le soja produit à destination de l’alimentation animale (70% de la production) [6].
Le soja est-il génétiquement modifié ?
A l’échelle mondiale, 70% de la production mondiale du soja est génétiquement modifiée [8]. Plus résistant aux insectes parasites, le soja OGM présente aussi l’avantage d’être moins cher à produire que le le soja non transgénique, ce qui explique sa démocratisation.
Au sein de l’Union Européenne, la production de soja OGM est interdite. De ce fait, 100% de la production française de soja est garantie sans OGM, conformément à la réglementation européenne.
Soja issu d’agriculture biologique
L’utilisation d’engrais chimiques est également un problème dans le secteur [9]. Le soja issu d’agriculture biologique permet de pallier à ce problème en présentant les avantages d’utiliser des méthodes de culture plus respectueuses de notre santé (le recours aux pesticides et engrais chimiques de synthèse y est interdit) et de l’environnement (la biodiversité ainsi que la préservation de la qualité du sol et de l’eau sont encouragés).
En France, le soja bio représente 20% de la production de soja et 15% du soja destiné à l’alimentation humaine [7].
Le petit mot de la diététicienne
Le soja présente de nombreux atouts nutritionnels qui en font une excellente alternative à la viande pour les végétariens, les végétaliens et ceux qui souhaiteraient toute simplement diversifier leur alimentation, mais aussi un additif convoité par les industriels – ce qui explique sa forte progression en France et dans le monde. La France est ainsi le 2ème producteur européen de soja, après l’Italie [10].
Mon conseil : Afin d’avoir la garantie d’un soja sans OGM, je vous recommande fortement de privilégier le soja issu de la filière française (qui garantie l’origine France, la culture sans OGM, une meilleure traçabilité et durabilité des cultures) ou issu de la filière européenne (également garanti sans OGM). Si votre budget vous y autorise, préférez le soja issu d’agriculture biologique – potentiellement moins exposé aux substances chimiques et plus durable au niveau environnemental.
D’autres questions sur le soja ? Posez-les en commentaires !
Sources :
[1] Composition nutritionnelle du soja jaune, Table Nutritionnelle des Aliments, Ciqual 2017
[2] Amino acid content of various dietary protein sources and human skeletal muscle (table 1), « Protein content and amino acid composition of commercially available plant-based protein isolates », étude publiée par S. Gorissen and co. dans la revue Amino Acids en 2018.
[3] « Protein and amino acid requirements in human nutrition », Joint WHO/FAO/UNU Expert Consultation, étude publiée en 2007.
[4] Indice de digestibilité des protéines de soja en comparaison aux protéines de lait, de viande et d’oeufs, « Current Concepts and Unresolved Questions in Dietary Protein Requirements and Supplements in Adults », étude réalisée par Philips MS publiée dans la revue Frontiers in Nutrition en 2017.
[5] « Les isoflavones de soja dans le traitement de la ménopause », étude publiée en 2006 dans la revue Phytothérapie.
[6] « Marché mondial des oléagineux, chiffres 2018 », site internet de Fopoleopro.com
[7] « Chiffres clés : oléagineux et plantes riches en protéines », chiffres officiels de Terres Univia, l’interprofession des huiles et protéines végétales
[8] Production mondiale de soja, site Planetoscope.com, consulté le 20 Mai 2020.
[9] Importation de produits contaminés aux pesticides, exemple du soja brésilien importé en France, JO Sénat, 12/09/2019.
[10] Agreste, Service statistique du Ministère de l’Agriculture, estimation au 1er septembre 2019