La gastroparésie est une affection fréquente chez les diabétiques de longue durée. Si elle n’augmente pas la mortalité, elle contribue malheureusement à dégrader significativement la qualité de vie [3], notamment en causant des désagréments entravant le bien-être digestif. Si un traitement médicamenteux est souvent proposé par le médecin pour atténuer les symptômes, l’alimentation s’avère une partie tout aussi indispensable de la prise en charge. Mais quelle alimentation envisager en cas de gastroparésie ? Découvrez mes conseils de diététicienne pour adopter une alimentation adaptée aux problématiques de gastroparésie diabétique.
Qu’est-ce que la gastroparésie ?
La gastroparésie est un trouble digestif qui se caractérise par un ralentissement du fonctionnement de l’estomac, suite à l’endommagement du nerf vague en charge de la motricité gastrique.
Comme vous le savez, pour fonctionner correctement, l’estomac exerce des contractions ainsi que des mouvements spécifiques, de manière à faire avancer les aliments dans l’appareil digestif et ainsi permettre leur digestion. On appelle cela le péristaltisme. En cas d’altération du nerf vague, le péristaltisme est altéré : l’estomac réduit ses contractions ainsi que l’amplitude de ces derniers, ce qui entraîne un ralentissement du passage des aliments voire la stagnation de ces derniers dans l’estomac. C’est ce qu’on appelle une gastroparésie (du latin “gastro” qui désigne estomac et “parésie” qui signifie paralysie partielle). Notons qu’il ne s’agit pas une réelle paralysie dans le sens qu’on connaît, mais d’un retardement de la vidange gastrique. Le terme de “syndrome de l’estomac paresseux” est donc plus approprié.
Notons également que la gastroparésie n’est pas causée par un obstacle dans l’estomac empêchant le passage des aliments : elle apparaît bien à cause d’un problème relatif au mauvais fonctionnement du nerf vague, qui empêche les muscles de l’estomac de fonctionner correctement. Cependant, la gastroparésie peut être à l’origine de l’accumulation de bol alimentaire non digéré dans l’estomac entraînant un blocage : ce phénomène s’appelle le bézoard. Appliquer les conseils alimentaires fournis plus loin dans cet article vous permettront de limiter le risque d’apparition de cette complication.
Pourquoi la gastroparésie est-elle fréquente chez les diabétiques ?
La gastroparésie est une complication chronique du diabète qui survient chez 30% à 50% des patients. Elle touche aussi bien les diabétiques de type 1 que les diabétiques de type 2 [2]. Elle est causée par des niveaux élevés de glucose dans le sang (hyperglycémies chroniques) qui, à long terme, entraînent des changements chimiques au niveau nerveux et contribuent ainsi à l’altération des nerfs. Veiller à maintenir une glycémie stable est donc la meilleure façon de prévenir l’apparition de ce type d’affection.
Les principaux symptômes
Les signes évocateurs d’une gastroparésie sont :
- une satiété précoce pouvant entraîner de l’inconfort voire des douleurs abdominales ;
- une digestion ralentie et des lourdeurs d’estomac même plusieurs heures après les repas ;
- des ballonnements et/ou une sensation de dilatation de l’estomac ;
- des brûlures d’estomac ou un reflux gastro-oesophagien ;
- des nausées, des vomissements survenant après les prises alimentaires ;
- de fréquentes hypoglycémies post-prandiales.
Tout cela entraîne chez le patient atteint de gastroparésie une baisse de l’appétit et une réduction de la prise alimentaire qui peut entraîner, à plus long terme, une perte de poids involontaire voire des carences nutritionnelles – d’où l’importance de prendre en charge au plus tôt cette affection.
7 conseils alimentaires à mettre en place en cas de gastroparésie diabétique
La modification de l’alimentation permet d’atténuer les symptômes et désagréments liés à la gastroparésie diabétique. Voici les principaux changements alimentaires qui pourront vous aider :
1. Manger moins mais plus souvent
Le fractionnement des repas est la première préconisation diététique donnée aux personnes diagnostiquées de gastroparésie, qu’elles soient diabétiques ou non. Le fait de diminuer le volume des repas permet de réduire le bol alimentaire et ainsi d’éviter de surcharger l’estomac. Ce dernier sera alors plus à même de gérer l’afflux d’aliments. On conseille aux patients de mettre en place 4 à 6 repas de faible volume et de les répartir sur la journée.
Exemple de fractionnement de la prise alimentaire sur 5 repas :
- 7h00 Petit-déjeuner, 10h00 collation matinale, 13h00 déjeuner léger, 16h00 goûter, 19h00 dîner léger.
- 7h00 Petit-déjeuner, 11h00 entrée du déjeuner, 13h30 plat du déjeuner, 16h30 goûter, 19h00 dîner léger.
Dans le cas d’une gastroparésie chez une personne insulinodépendante, la particularité est qu’on veillera à bien répartir la consommation de glucides sur les différents repas. En effet, un repas plus riche en glucides demande des doses d’insuline plus élevées, ce qui augmente le risque de décalage entre la digestion des glucides et l’effet de l’insuline – à l’origine des désagréments. Chez les patients diabétiques non insulinodépendants, on veillera à ce que les collations/goûters ne soient pas composés d’aliments à index glycémique élevé. Si c’est votre cas, évitez la prise de produits sucrés en prise isolée.
Remarque de la diététicienne : Il est déconseillé de s’allonger pendant la période de digestion (soit 1 à 2 heures suivant le repas) afin de ne favoriser le reflux gastro-oesophagien et ne pas ralentir davantage le processus de digestion (en effet, lorsqu’on est allongé, les aliments ont plus de mal à descendre jusqu’aux intestins ce qui entraîne un risque de stagnation au niveau de l’estomac) [21]. Remplacer les siestes post-prandiales par des promenades digestives est plus judicieux pour limiter vos symptômes.
2. Bien mâcher
La mastication est un deuxième point crucial de la prise en charge diététique de la gastroparésie. Rappelons que cette dernière représente la première étape de la digestion. En effet, contrairement aux idées reçues, la digestion ne commence pas dans l’estomac mais bien dans la bouche : le fait de mastiquer les aliments permet non seulement de réduire les aliments en morceaux mais cela permet aussi de les enrober de salive, ce liquide visqueux composé de sucs et d’enzymes en charge de la dégradation des nutriments. La mastication permet ainsi d’alléger le travail de l’estomac, un point crucial lorsque celui-ci fonctionne au ralenti.
Rappelons que pour bien mâcher, il est impératif de prendre le temps de manger, de ne pas être pressé par le temps. Un repas pris à la va-vite (en 5-10 minutes) est un repas qui n’a certainement pas été suffisamment mastiqué. Veillez à manger lentement et dans un endroit à l’abri des distractions.
Remarque de la diététicienne : Si la mastication est bénéfique en cas de gastroparésie, ce n’est pas le cas de la mastication de chewing-gum ! En effet, les chewing-gum sont contre-indiqués en cas de gastroparésie car ils font avaler de l’air vide et entraînent une distension de l’estomac [22].
3. Choisir la bonne texture des aliments
Le choix de la texture des aliments peut également soulager le travail digestif de l’estomac. Optez pour des aliments bien cuits, à texture molle ou mixés (purées, soupes, potages…) pour vous sentir moins lourd après le repas.
4. Eviter les aliments riches en fibres
Les aliments riches en fibres sont particulièrement conseillés aux diabétiques car ils permettent de limiter les pics de glycémie. Leur consommation est néanmoins problématique dans le cadre du syndrome de l’estomac paresseux car ils ralentissent la vidange gastrique ce qui intensifie les douleurs gastriques.
Les aliments qui peuvent contribuer à augmenter les désagréments sont :
- les légumes très riches en fibres (même cuits) comme : l’oignon, l’artichaut, le vert de poireau, le brocoli, le chou-fleur, le topinambour… ;
- les céréales complètes ou semi-complètes, les produits céréaliers complets, semi-complets ou à grains entiers ;
- les légumineuses : haricots rouges, haricots blancs, fèves, pois entiers… (les légumineuses les plus digestes, consommées mixées ou en farine, peuvent parfois être tolérées en petites quantités) ;
- les graines et oléagineux ;
- la noix de coco, les fruits séchés ;
Afin de limiter les désagréments digestifs tout en garantissant votre apport en fibres, préférez les légumes et fruits cuits. Les crudités ne sont pas à éviter pour autant et peuvent être consommés selon la tolérance de chacun, à condition de ne pas en consommer en excès et/ou d’éviter les légumes très fibreux ou ceux qui fermentent (voir point précédent).
Remarque de la diététicienne : Gardez en tête que la tolérance digestive peut-être variable d’un patient à l’autre : la meilleure façon de confirmer si un aliment est toléré ou non est d’essayer sur soi en petite quantité et d’observer les ressentis.
5. Limiter les apports en lipides
Les aliments riches en lipides font également partie des aliments qui ont tendance à ralentir la vidange gastrique, c’est pourquoi ils sont également à éviter en cas de gastroparésie.
Pour réduire votre apport en lipides, prenez soin de choisir les produits laitiers les moins gras et à opter autant que possible pour des poissons ou viandes maigres. Limitez les fritures et privilégiez les modes de cuisson sans matière grasse. Enfin, en ce qui concerne l’assaisonnement des plats, utilisez les huiles et matières grasses en quantités adaptées à votre tolérance. Si besoin, optez pour des vinaigrettes ou matières grasses allégées.
6. Stabiliser votre glycémie
La gastroparésie est particulièrement problématique chez les diabétiques dans la mesure où le retard de digestion provoque des perturbations de la glycémie qui affectent à leur tour le nerf vague, entraînant ainsi un cercle vicieux. Un travail en coopération avec votre diabétologue doit être effectué pour trouver le meilleur traitement pour équilibrer votre glycémie.
7. Traiter la constipation
La constipation est un facteur aggravant de la gastroparésie. Parmi les principales causes de ce phénomène, on retrouve notamment une mauvaise hydratation. La première démarche à suivre est donc de veiller à boire suffisamment d’eau, afin d’hydrater les selles et maintenir un transit régulier. La remarque de la diététicienne : Boire de l’eau pendant les repas n’est pas contre-indiqué (au contraire, cela permettra d’hydrater le bol alimentaire et donc de faciliter sa digestion), mais à condition de boire par petites gorgées pour ne pas distendre excessivement l’estomac.
Opter pour des eaux riches en magnésium peut être une solution simple pour s’hydrater tout en veillant à ses apports en magnésium (nutriment participant à la bonne régulation du transit).
Lutter contre la sédentarité en mettant en place une activité physique douce permet également de relancer le transit. SI vous n’aimez pas le sport, pensez par exemple aux marches digestives, qui permettront a minima d’aider votre digestion.
Le petit mot de la diététicienne
La prise en charge alimentaire de la gastroparésie peut parfois sembler difficile à allier avec un diabète. Si nécessaire, n’hésitez pas à consulter une diététicienne-nutritionniste pour vous faire aider. Par ailleurs, comme mentionné plus haut, le bon choix du traitement pour réguler votre glycémie fera partie des points clés du traitement, en dehors de l’équilibre alimentaire.
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Sources :
[1] “La gastroparésie diabétique : physiopathologie, diagnostic et prise en charge thérapeutique”, S. FONTAINE, Pôle Diabétologie – Hôpital de Rangueil – Toulouse. Source : http://www.soc-nephrologie.org/PDF/epart/industries/gambro/2012/10-fontaine.pdf
{2] “Diabetic gastroparesis: do you know how to recognize and effectively treat?”, M. Krzyżewska, P. Maroszek, B. Mrozikiewicz-Rakowska, P. Nehring, W. Karnafe. Source : https://journals.viamedica.pl/clinical_diabetology/article/viewFile/37263/27495
[3] “Natural history of diabetic gastroparesis”, Kong M.F., Horowitz M., Jones K.L., Wishart J.M., Harding P.E. Diabetes Care 1999;
22: 503–507.