La carence en iode est une carence fréquente qui touche près de 30% de la population mondiale [1]. Si la consommation de sel iodé est encouragée pour pallier le risque de carence, un autre aliment s’avère pourtant particulièrement intéressant : l’algue. Les algues sont-elles une bonne façon de faire le plein d’iode ? Découvrez mes explications de diététicienne.
Consommer des algues pour faire le plein d’iode : bonne ou mauvaise idée ?
Les algues marines, une source incontestable d’iode
Les algues d’origine marine apportent entre 50 et 2000 µg d’iode par gramme [2]. Chez l’adulte, l’apport journalier recommandé en iode défini à 150 µg/jour [3]. Vous pourrez voir, dans le document comprenant les teneurs en iode d’une dizaine de sortes d’algues séchées, qu’un gramme d’algues couvre 33 à 1300% des apports journaliers conseillés en iode !
Les algues marines les plus riches en iode
Voici une liste des principales algues marines et de leurs teneurs moyennes en iode par gramme.
Aliment | Teneurs en iode par gramme (en µg) |
---|---|
Kombu breton (Laminaria digitata), séché | 4860 µg/g |
Kombu royal (Saccharina latissima), séché | 3410 µg/g |
Kombu japonais (Laminaria japonica), séché | 2360 µg/g |
Agar, séché | 3600 µg/g |
Lichen de mer (Chondrus crispus), séché | 3460 µg/g |
Wakamé atlantique (Alaria esculenta), séché | 3460 µg/g |
Dulse (Palmaria palmata), séché | 3250 µg/g |
Wakamé (Undaria pinnatifida), séché | 191 µg/g |
Laitue de mer (Ulva sp.), séché | 91,9 µg/g |
Nori (Porphyra sp.), séché | 51 µg/g |
Sel blanc iodé | 18,6 µg/g |
Sel marin, non iodé | < 2 µg/g |
Consommer un gramme d’algues marines séchées par jour (voire moins !) suffit la plupart du temps pour couvrir les recommandations journalières : par exemple, un gramme de wakamé (Undaria pinnatifida) séché couvre 130% de nos apports journaliers en iode.
En ce qui concerne les algues les plus riches en iode comme le kombu ou encore le dulse, quelques milligrammes suffisent même pour couvrir les apports journaliers en ce nutriment. Attention donc aux excès (voir partie sur ce sujet !).
Attention à ne pas confondre les algues d’origine marine et les algues d’eau douce (spiruline, klamath et chlorelle) ! Si les algues marines ont une concentration en iode 10 à 2000 fois plus élevé que le sel iodé, les algues d’eau douce, elles, ne contiennent pas d’iode.
Les algues marines : une alternative plus saine au sel iodé ?
L’exemple du Japon
Afin de lutter contre les carences en iode, nos autorités de santé ont mis en place le sel iodé. Ce dernier a permis de réduire significativement le risque de carence en sel, mais à l’heure où nos apports en sel sont déjà 3 fois plus élevés que les recommandations de l’OMS et où les maladies cardiovasculaires flambent, est-il toujours aussi judicieux de recommander la consommation de sel iodé ? Ne devrions-nous pas nous inspirer de certains pays d’Asie, comme le Japon, où la carence en iode est contrée par la consommation d’algues ?
En effet, kombu, nori ou encore wakamé y sont les trois favoris : les Japonais en consomment en moyenne 5 grammes par jour [4], ce qui en fait leur principale source d’iode.
Les atouts santé des algues, en comparaison au sel iodé
Les algues sont une alternative intéressante au sel iodé car ils permettent de faire le plein d’iode tout en réduisant nos apports en sodium.
En effet, en comparaison au sel de table, elles contiennent nettement moins de sodium (en moyenne 20 à 36 mg par gramme d’algue marine contre 381 mg par gramme pour le sel, soit environ 10 fois moins) ce qui permet d’éviter l’excès de sel nocif pour notre santé cardiovasculaire.
Elles ont également de nombreux atouts santé. Elles sont ainsi riches en sélénium (un excellent détoxifiant, agissant sur les métaux lourds), en calcium ou encore en magnésium. Elles sont également une source incontestable de protéines végétales, représentant ainsi une alternative partielle aux protéines animales.
Attention à l’excès d’iode
Attention tout de même aux excès ! Une consommation excessive d’algues riches en iode peut causer un excès d’iode qui peut perturber le bon fonctionnement de la thyroïde. Si un excès d’iode entraîne la plupart du temps une hyperthyroïdie, il n’est pas rare de constater une hypothyroïdie chez certains patients [5] du fait de la diminution de la production d’hormones thyroïdiennes.
Afin de ne pas risquer l’excès d’iode, l’EFSA (autorité européenne de sécurité des aliments) a fixé une limite journalière à ne pas dépasser : celle-ci est de 600 µg d’iode par jour pour l’adulte. Comme nous pouvons le voir à partir du tableau contenant les teneurs en iode des algues, il est très facile de dépasser la quantité maximale recommandée en iode.
Même si chez l’adulte en bonne santé, l’excès d’iode est éliminé par les urines, les autorités sanitaires alertent sur le risque de dépassement des apports (comme c’est le cas de l’ANSES dans ce communiqué), particulièrement en ce qui concerne les suppléments alimentaires à base d’algues.
Les p’tits conseils de la diététicienne
Dépasser occasionnellement les apports maximaux en iode n’est pas dangereux dans la mesure où l’excès d’iode est excrété dans les urines. Cependant il est conseillé par principe de précaution de limiter la fréquence de consommation des algues, en particulier en ce qui concerne les algues les plus riches en iode (tel que le kombu), notamment si elles sont consommées séchées (elles sont alors davantage iodées).
Si vous aimez particulièrement les algues et ne pouvez vous en passer, je vous recommande de privilégier les algues marines les moins concentrées en iode (nori, laitue de mer, wakamé…) et/ou de les accompagner d’aliments goitrogènes (=aliments qui réduisent l’absorption de l’iode) comme le brocoli, le chou-fleur, le soja ou encore la patate douce.
Par ailleurs, sachez que l’iode est soluble dans l’eau et est sensible à la cuisson : selon les études, la cuisson engendre des pertes en iode allant de 14% à 66% [6]. La macération des algues dans de l’eau tiède ou encore le blanchiment de ces dernières avant leur consommation peut donc permettre de réduire les teneurs en iode de manière à éviter une consommation excessive.
Remarque : Rappelons d’ailleurs que, les Japonais consomment assez peu d’algues sous forme sèche, ce qui pourrait expliquer pourquoi ils semblent avoir des niveaux plus élevés de tolérance à l’excès d’iode [7] et ce, malgré une consommation particulièrement élevée de kombu [4], algue réputée comme étant la plus concentrée en ce nutriment.
Comment les consommer ?
N’hésitez pas à vous inspirer de la cuisine japonaise ou asiatique. Pensez par exemple aux makis ! Réalisés à partir de feuilles de nori, ils sont une excellente source d’iode tout en présentant moins de risques d’excès. Une autre source gourmande d’iode est la soupe miso, cuisinée à partir d’algues wakamé.
Dans le rayon frais de certains magasins bio, vous pouvez également trouver des salades de wakamé prêts-à-consommer – idéales pour tester de nouvelles saveurs !
Une autre façon simple de faire le plein d’iode grâce aux algues est d’investir dans des algues en poudre (à acheter en magasin bio ou sur internet) et de les ajouter dans vos desserts, smoothies, purées…. Les possibilités sont nombreuses, veillez simplement à consommer ces dernières de manière plus occasionnelle.
Bon appétit ! :-)
Sur le même sujet :
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- Recette : Beurre fait-maison aux algues (riche en iode, pauvre en sel)
Contre-indications
La consommation d’algues riches en iode est déconseillée chez les personnes souffrant d’un dérèglement de la thyroïde, des troubles du rythme cardiaque ou une insuffisance rénale.
Elle est déconseillée aux personnes traitées avec un médicament contenant de l’iode ou du lithium et aux femmes enceintes (plus d’infos ici).
La vigilance s’impose vis-à-vis des jeunes enfants, pour qui la carence est aussi dangereuse que l’excès chronique.
Sources :
[1] American Thyroid Association. Iodine deficiency. Disponible sur http://www.thyroid.org/wp-content/uploads/patients/brochures/IodineDeficiency_brochure.pdf, consulté le 18/04/2021.
[2] Table nutritionnelle des Aliments CIQUAL 2020.
[3] ANSES. Références nutritionnelles pour la population (RNP) en iode. Consulté le 18/04/2021.
[4] Zava, Theodore T, and David T Zava. “Assessment of Japanese iodine intake based on seaweed consumption in Japan: A literature-based analysis.” Thyroid research vol. 4 14. 5 Oct. 2011, doi:10.1186/1756-6614-4-14
[5] Excès d’iode, Manuel MSD en ligne, Par Larry E. Johnson, MD, PhD, University of Arkansas for Medical Sciences, consulté le 18/04/2021
[6] Rana, Ritu, and Rita Singh Raghuvanshi. “Effect of different cooking methods on iodine losses.” Journal of food science and technology vol. 50,6 (2013): 1212-6. doi:10.1007/s13197-011-0436-7
[7] Y. Fuse and Y. Shishiba, « Japan’s iodine status – too high or just right? », IDD, August 2015, disponible sur https://www.ign.org/newsletter/idd_aug15_japan.pdf.